L’ANALYSE
Tesla, le prix du désir
Il y a deux ans, j’étais tombé sur une étude très poussée sur l’électrification automobile, qui comparait les mérites de Tesla à ceux des acteurs traditionnels. Je n’ai pas réussi à remettre la main dessus, mais je me souviens très bien de l’idée de base : « Tesla a bâti un véhicule autour d’une technologie, d’un logiciel et de services, alors que ses concurrents essaient de faire entrer une technologie, un logiciel et des services dans un véhicule ». Cette approche inversée est fondamentale dans la valorisation atteinte par le constructeur californien, même s’il faut aussi sans doute y voir la patte de l’esprit animal.
À l’heure où j’écris ces lignes, le titre vient de signer un nouveau record à 1 845 USD (avant la division du nominal par 5 le 28 août), portant sa capitalisation à 343 milliards de dollars. C’est plus que la somme des poids boursiers de Toyota, Daimler et Honda, les trois autres plus gros constructeurs automobiles mondiaux. Le cours de Tesla a été multiplié par 8 en un an.
Cette valorisation paraît totalement incongrue, sauf si l’on part du principe que ses concurrents vont tous rater le virage de l’électrification. Or jusqu’ici, force est de constater qu’ils n’ont pas beaucoup fait trembler Elon Musk, qui a très tôt compris que la « désirabilité » est le nerf de la guerre du véhicule électrique, du moins sur le segment du véhicule moyen / haut de gamme. Les tentatives rivales sont pour le moment un peu pathétiques, souvent trop chères ou étrangement positionnées. Sans même parler du malentendu originel qui a poussé les constructeurs européens à penser que des voitures électriques ressemblant à des jouets pour enfants séduiraient les acheteurs.
Je n’ai aucune idée des parts de marché mondiales dans l’automobile en 2030, ni de la répartition réelle entre moteur électrique, moteur à essence et autres technologies. Je ne suis même pas un grand amateur de voiture. Mais ce dont je suis sûr en 2020, c’est que la Tesla Model 3 est la référence de sa catégorie. Cette catégorie qui sera la première à effectuer la grande bascule : le prix d’une berline électrique moyen / haut de gamme passera en dessous de celui d’une voiture à essence équivalente en 2022 ou en 2023. Autant dire demain. Ce qui explique que les ventes du groupe devraient doubler entre 2019 et 2022, alors que les autres constructeurs devraient en moyenne voir leurs revenus se contracter de 4 % sur la période. Et ce qui justifie sans doute, aussi, l’engouement pour l’action Tesla en bourse.
Patrick Rejaunier
© 2020 zonebourse.com, 24 août 2020