Pour la cinquantième fois de l’année – alors que le mois de février n’a même pas encore dit son dernier mot – je me suis pris moi-même en flagrant délit de consultation des cours du bitcoin. Et pour la cinquantième fois de l’année, je me suis dit que j’aurais quand même dû investir « pour voir ». Notez bien que je ne compte plus les fois où je me suis retrouvé dans la même situation en 2020. Ou en 2019. Ou en 2018…

Je n’ai encore croisé personne qui m’ait raconté avoir acquis des bitcoins peu après leur lancement en janvier 2009. Mais je connais quelques aventuriers qui en ont acheté « pour voir » il y a six ans. À l’époque, la dépense n’était pas encore somptuaire : s’offrir 10 bitcoins coûtait 3 000 dollars. Mais c’était déjà de l’argent fichu en l’air, pour les détracteurs de la cryptomonnaie. À l’heure où j’écris ces lignes, ces 10 bitcoins valent 490 000 dollars. Presque 157 fois la mise. Les détracteurs parlent toujours de bulle. Mais ils sont un peu moins nombreux, puisque certains d’entre eux ont succombé aux sirènes de l’argent numérique. Il n’empêche, je ne suis pas plus avancé : le bitcoin a-t-il une valeur ?

Je suis tenté de répondre qu’il a la valeur qu’on veut bien lui donner. Et son arrivée sur le marché des dérivés, dans certains fonds d’investissement, dans la trésorerie de Tesla, chez Twitter et même tout récemment dans un fonds indiciel coté lui donnent une certaine valeur. Et plus il « circulera » dans les milieux économiques, plus cette valeur va augmenter : après tout, c’est un actif dont on connaît déjà la quantité finale et qui bénéficie actuellement d’un puissant « FOMO » (fear of missing out, la peur de manquer quelque chose) et de son statut de « mère de toutes les cryptomonnaies ».

Peut-être faut-il déjà penser aux coups d’après. Car si le bitcoin prend racine, pourquoi pas l’ethereum, le ripple et n’importe quelle autre cryptomonnaie ? Est-ce que les riches et les puissants vont chercher à amasser du bitcoin comme de l’or et assécher le marché ? Comment les banques centrales réagiront-elles à cette dilution de leur pouvoir, elles qui se lancent déjà toutes dans des projets de monnaies numériques ? Et par-dessus tout : est-il encore temps de prendre le train en marche, pour voir ? Tant de questions, et si peu de réponses !

Patrick Rejaunier
© 2021 zonebourse.com, 16 février 2021