L’ANALYSE
Un battement d’aile de papillon
L’histoire boursière est pavée d’événements en apparence anodins qui se sont transformés en cataclysmes financiers. Sans remonter trop loin, j’ai en mémoire la première provision pour créances douteuses annoncée par une banque américaine à cause de défaillances sur le marché du crédit hypothécaire aux États-Unis. Ce devait être fin 2006. Il avait alors fallu six mois de plus pour que le marché atteigne ses plus hauts depuis l’explosion de la bulle Internet, sept ans plus tôt. Avant de déchanter avec la violence que l’on connaît pour ce que les historiens appellent désormais la « grande crise financière ».
En réalité, ces événements n’entraînent la plupart du temps aucune réaction en chaîne ni théorie du battement d’aile de papillon. Mais quand les marchés financiers évoluent non loin de leurs records, les oiseaux de mauvais augure resurgissent à la recherche du « cygne noir », ce grain de sable inattendu capable de faire dérailler le train de la finance.
Mais trêve de volatiles, venons-en à notre sujet du jour. La déconfiture du promoteur China Evergrande est à classer dans la catégorie des événements perturbants pour les investisseurs. Le fait que Pékin veuille faire un exemple punitif pour tous les groupes immobiliers du pays n’aide pas. Mais est-on face à un « moment Lehman Brothers », à un problème sino-chinois ou à une menace pour la croissance mondiale ? Au jeu des pronostics, c’est sans doute la dernière hypothèse qui est la plus plausible. Les marchés boursiers sont valorisés pour une période de vive croissance. Tout accroc de ce point de vue est donc une mauvaise nouvelle. Mais il y en a aussi une bonne : les autorités chinoises n’ont vraiment pas brûlé de cartouche pour sortir leur économie de la crise du coronavirus puisque le pays était l’atelier sanitaire du monde. À l’inverse des gouvernements et des banques centrales des autres grandes économies, l’arsenal de Pékin est à peu près intact.
On peut donc imaginer que la Chine est capable d’un (gros) battement d’aile pour éviter un trou d’air trop pénalisant. Mais probablement pas avant d’avoir fait comprendre aux entreprises qui ont pris un peu trop de libertés avec la ligne directrice du pouvoir central que c’est le parti communiste chinois qui dicte ses règles au sinocapitalisme, et pas le contraire.
Patrick Rejaunier
© 2021 zonebourse.com, 21 septembre 2021