L’ANALYSE
Fantasque dehors, malin dedans
Les détracteurs et les fans d’Elon Musk sont en général irréconciliables, mais ils devraient pouvoir s’entendre sur un point : le patron de Tesla est l’un des très rares individus d’une sphère financière très policée à pouvoir renverser la table quand ça lui chante. D’ailleurs, il ne s’en prive pas. On l’a encore constaté avec l’affaire Twitter. Petit rappel. Musk a révélé fin mars avoir bâti une position de 9,2 % dans le capital du réseau social dont il est lui-même l’un des dix comptes les plus suivis, aux côtés de Cristiano Ronaldo, d’Ariana Grande ou Lady Gaga. Quelques tweets avant-coureurs avaient mis la puce à l’oreille de sa communauté, mais personne ne pensait que l’homme le plus riche du monde irait aussi loin. C’était mal le connaître, puisqu’après avoir entretenu le flou sur ses intentions, il est allé jusqu’à dégainer une proposition de rachat intégral de Twitter pour 43 milliards de dollars.
Comme d’habitude, le cheminement de Musk n’est pas bien clair. Avait-il l’intention de lancer une OPA avant de commencer à bâtir sa position ? A-t-il sérieusement songé à répondre positivement à l’invitation de rejoindre le conseil d’administration ? Nul ne le sait à part lui. Pour couronner le tout, il s’est une fois de plus affranchi des us et coutumes du secteur en expliquant qu’il a théoriquement les moyens de financer un rachat, mais qu’il est incapable de dire s’il est en mesure de réunir immédiatement les fonds nécessaires.
C’est ce côté franc-tireur habilement scénarisé qui séduit et agace chez ce personnage atypique. Personnellement, je ne souscris pas à l’idée assez répandue selon laquelle Elon Musk cède à des pulsions et prend des décisions à l’emporte-pièce au milieu de la nuit. Je pense à l’inverse que le garçon est malin et qu’il masque souvent ses intentions sous des dehors « je-m’en-foutistes ». Ce qui ne l’empêche pas de déraper à intervalle régulier car il garde un goût prononcé pour la provocation. Et comme la surface financière et l’aura qu’il a acquises ont indubitablement étendu son terrain de jeu, je parie que les « elonmuskeries » ne sont pas terminées. En un sens, c’est tant mieux, car de tels personnages sont nécessaires pour faire bouger les lignes… Qu’on les apprécie ou pas.
Patrick Rejaunier
© 2022 zonebourse.com, 19 avril 2022