L’ANALYSE
Vocabulaire de crise
Très chères lectrices, très chers lecteurs, laissez-moi vous parler de l’incroyable avantage que vous avez sur moi : vous vivez dans l’avenir. Enfin dans mon avenir, par rapport au moment où j’écris ces lignes. Il se passe en effet quelques jours entre la remise de ce focus, la relecture, la mise en page et l’impression de l’exemplaire de Strike que vous êtes en train de compulser. Par conséquent, l’exercice d’écriture se double d’un défi divinatoire, surtout en ces temps boursiers volatils.
J’ai donc choisi de ne pas prendre beaucoup de risques en vous parlant des mots traditionnellement attachés à la baisse des marchés, puisque c’est dans l’air du temps. Quand les indices flanchent, tous les investisseurs sont à la recherche du point de bascule. C’est pour cette raison que les financiers ont développé tout un vocabulaire de la baisse. Ainsi on parle d’une « correction » quand les actions baissent de plus de 10 % avant de se reprendre. Une correction qui dépasse 20 % se transforme en marché baissier (« bear market », en anglais). Dans ce type de marché, on peut assister à une capitulation : c’est le moment où les nerfs des investisseurs lâchent et où la panique accroît une baisse déjà bien installée. On peut aussi assister au « sursaut du chat mort » (« dead cat bounce ») qui est une sorte de chant du cygne pour rester dans le domaine animalier : c’est un rebond avant une reprise de la chute.
Au fil du temps, ces jalons sont aussi devenus des points d’ancrage. Par exemple, les investisseurs s’attendent plus facilement à voir les indices rebondir juste après le passage de la barrière des -10 %, ou de celle des -20 %. C’est un peu arbitraire puisque ces paliers sont avant tout des chiffres ronds, mais cela permet d’imaginer trouver plus facilement le point bas et donc de profiter à plein du rebond (si toutefois il ne s’agit pas du sursaut du chat mort, si vous avez bien suivi). Évidemment, si vous cherchez le point bas au détour d’une « correction » et qu’elle se transforme en « marché baissier », c’est reparti pour un tour à l’étage du dessous.
À l’heure où j’écris ces lignes donc, l’indice européen STOXX Europe 600 est tout juste en correction en 2022 puisqu’il perd 10 %. L’indice S&P 500 américain est en plein dedans (-14 %). Quant au Nasdaq, il est déjà en marché baissier à -23 %. J’espère que dans mon futur, votre présent, la situation sera un peu meilleure en Bourse.
Patrick Rejaunier
© 2022 zonebourse.com, 19 mai 2022