L’ANALYSE

La corne d’abondance

Incroyable mais vrai : les États-Unis ont drainé près du tiers des flux de capitaux transfrontaliers mondiaux depuis le début de la pandémie de Covid-19. Ce chiffre atteint précisément 30 % des investissements directs étrangers (IDE) depuis cette période, selon les données compilées par le Fonds Monétaire International (FMI). Avant cette phase, le pourcentage était élevé mais moins impressionnant : 18 %.

Ce net accroissement fait entrer en collision deux convictions fortes des marchés internationaux. D’un côté, les économies cherchent à s’émanciper de l’influence du dollar. De l’autre, les États-Unis restent un eldorado et un moteur pour la dynamique mondiale. Manifestement, l’une des convictions a pris le pas sur l’autre. Deux facteurs principaux sont venus en soutien. En premier lieu, la hausse des taux d’intérêt américains, qui ont atteint des niveaux inédits depuis des décennies et qui ont généré des rendements attractifs. Ensuite, les efforts de l’administration Biden pour soutenir l’industrie américaine, à l’image du secteur des semi-conducteurs, forcé à se détourner de la Chine continentale. Ou encore lorsque Biden déroule le tapis rouge, par exemple en incitant fortement l’industrie européenne à venir tâter l’herbe verte américaine à grands renforts de subventions. Les milliards de Washington ont séduit de nombreuses entreprises, trop heureuses de s’implanter outre-Atlantique dans des conditions favorables.

L’Europe, peu réactive dans cette affaire, risque encore de se retrouver avec les miettes. Après une reprise initiale post-Covid, les IDE ont recommencé à baisser en 2023, sous le coup d’une croissance ralentie, de prix de l’énergie élevés et d’une situation géopolitique dégradée. Par contraste avec les États-Unis, les IDE sur le vieux continent sont toujours en deçà de leurs niveaux de 2019.

Avant la pandémie, les capitaux avaient plutôt tendance à irriguer les marchés émergents, en particulier la Chine. Mais les restrictions imposées à Pékin par Washington ont visiblement atteint leur but. La Chine a vu sa part des flux bruts mondiaux chuter de plus de moitié depuis l’apparition de la pandémie. À peine 3 % entre 2021 et 2023, contre environ 7 % au cours de la décennie précédente. Et la tendance se poursuit, favorisée par le maintien d’un différentiel de taux conséquent, qui conduit les entreprises locales à se tourner vers les devises étrangères. Les économistes se demandent si cette tendance pourra durer pour les États-Unis. Après tout, la Fed devrait commencer à réduire ses taux et l’accroissement de la dette publique américaine est une épée de Damoclès suspendue au-dessus de l’attractivité du dollar. Mais ces antiennes ne surprennent personne. Et ce sont encore les États-Unis qui ont lancé le round d’innovation suivant, puisque les grandes plateformes de la Côte Ouest se sont emparées de l’intelligence artificielle comme elles ont fait main basse sur Internet.

Ce succès dans l’aspiration de flux financiers considérables au cours des trois dernières années n’a pas l’air d’avoir été mis au crédit de Joe Biden. Un paradoxe de plus dans la course à l’élection présidentielle américaine de novembre.

Patrick Rejaunier
© 2024 zonebourse.com, 21 juin 2024

Les données relatives aux performances passées ont trait à des périodes passées et ne sont pas un indicateur fiable des résultats futurs. ceci est valable également pour ce qui est des données historiques de marché.

PATRICK REJAUNIER

« D’un côté, les économies cherchent à s’émanciper de l’influence du dollar. De l’autre, les États-Unis restent un eldorado et un moteur pour la dynamique mondiale. »

CHIFFRES CLÉS

Référence en date du 19/06/2024

80 pts de base

C’est la différence de rendement, ou « spread », observée le 14 juin dernier entre le Bund allemand à 10 ans, référence de la zone euro, et l’OAT française équivalente. Cet indicateur a explosé en réaction aux incertitudes liées aux élections législatives françaises anticipées.

Source : Market Map

3 340 Mds$

C’est la capitalisation boursière atteinte par Nvidia, devenue l’entreprise la mieux valorisée en Bourse au monde en dépassant Microsoft et Apple.

Source : Market Map

-6,23 %

C’est la chute significative du CAC 40 sur une semaine après l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale et la perspective d’un changement de politique majeur en France.

Source : Market Map