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Perspectives Économiques 2025 : Entre volatilité et opportunités d’investissement

Les marchés ont démarré l’année 2025 sur une note hésitante. On remarquera notamment les tensions sur le marché obligataire où les taux à 10 ans aux États-Unis sont repassés au-dessus de leur plus haut de 2024. Cette tension s’explique notamment par la solidité de l’économie américaine, où l’inflation persiste et où le marché de l’emploi montre encore des signes de vigueur. Cela se traduit entre autres par une revue des anticipations des baisses des taux de la FED, le marché n’anticipant plus aucune hausse de taux avant le mois d’octobre 2025. Les marchés restent également sous la menace de la politique commerciale de Trump. La menace de droits de douane brandie par le nouveau Président américain fait notamment trembler l’Europe où la reprise économique est plus que fragile.

À l’exception de l’indice CAC 40, sur lequel nous reviendrons plus tard, les indices ont connu une année faste en 2024, enregistrant des performances solides. L’un des moteurs de la performance des indices américains est à chercher dans la thématique de l’intelligence artificielle qui a été centrale en 2024 et devrait rester incontournable en 2025. Le boom de l’IA est loin d’être terminé, comme en témoignent les valorisations de valeurs comme Nvidia ou encore Palantir, qui reflètent les attentes des investisseurs pour une croissance soutenue. Nvidia a connu une forte croissance grâce à la demande générée par l’intelligence artificielle tandis qu’Intel a vu ses performances chuter de 62 % en raison de la baisse des ventes d’électronique grand public et de la concurrence accrue d’entreprises telles qu’Apple qui produisent leurs propres puces. Cette divergence illustre la dynamique concurrentielle intense actuellement observée dans le secteur des semi-conducteurs. Des sous-thèmes, tels que l’augmentation des besoins énergétiques pour les centres de données, stimuleront les opportunités dans les services publics et les énergies propres. La transition vers les énergies renouvelables et nucléaires continue de produire des rendements notables. Des entreprises telles que Vistra et GE Vernova mettent en avant un sous-thème : l’infrastructure énergivore de l’IA favorise les services publics, notamment ceux investis dans l’énergie nucléaire.

L’arrivée de Donald Trump au pouvoir rebat également les cartes à plusieurs égards. En premier lieu, son style n’a pas vraiment changé et cela engendre un certain retour de la volatilité sur les marchés. Trump est adepte de la phrase choc et n’a pas peur des conséquences de certaines de ses déclarations fracassantes. Le début d’année a logiquement été marqué par une augmentation de la volatilité et le retour de mouvements erratiques. Par ailleurs, Trump revient à la Maison Blanche avec les piliers du Trump Trade, à savoir : déréglementation, baisse de la fiscalité, droits de douane et dépenses d’infrastructure. Parmi les secteurs qui pourraient en profiter, on retrouve le secteur de la Défense avec une augmentation notable des budgets de défense. L’expansion énergétique fait son grand retour : l’énergie fossile reste vitale, avec des entreprises pétrolières et gazières tirant parti des opportunités d’expansion de la production. Le « drill baby drill » promis par Trump et la poussée pour l’indépendance énergétique des États-Unis suggèrent des opportunités continues dans les énergies traditionnelles. Enfin, le secteur de la santé pourrait être prêt pour une reprise : malgré les pressions actuelles dues à la hausse des coûts et aux risques réglementaires, le secteur de la santé reste mûr pour la croissance grâce à des stratégies défensives et des innovations dans l’IA, l’obésité et les thérapies contre le cancer offrant des opportunités d’investissement à long terme.

En France, l’indice CAC 40 a souffert en 2024. Le risque politique qui a fait suite à la dissolution de l’Assemblée nationale et la forte pondération sur les valeurs du luxe, directement impactées par la santé morose de l’économie chinoise, n’ont pas réussi à être surmontés. Sur le papier, l’année 2025 s’annonce toujours compliquée avec une économie chinoise qui peine à se relancer et une politique douanière particulièrement agressive aux États-Unis. Cependant, le risque politique n’est plus le simple fait de la France. D’autres pays européens, notamment l’Allemagne, connaissent les mêmes déboires, ce qui vient alléger la prime de risque sur la France. Le retour de Trump à la Maison Blanche met encore plus de pression sur les autorités chinoises pour relancer leur économie et se préparer à une nouvelle guerre sino-américaine. La Banque Centrale Européenne pourrait également être un soutien avec une politique de baisse des taux plus agressive. Enfin, le CAC pourrait bénéficier d’effets d’opportunité liés à un besoin de rattrapage après une année 2024 morose.

Du côté des devises, la tendance à un dollar fort s’est renforcée en ce début d’année. Les anticipations autour de la politique inflationniste de Trump renforcent le dollar de manière continue. Les marchés n’anticipent plus qu’une seule hausse de taux de la FED sur l’année 2025 après les données solides publiées depuis le début de l’année, notamment du côté de l’emploi. À l’inverse, la Banque Centrale Européenne devrait poursuivre ses baisses de taux, le marché anticipant actuellement trois baisses de taux de 25 points de base en 2025.

Le secteur des matières premières a, quant à lui, déjà réservé quelques surprises. L’indice Bloomberg Commodity, qui suit 24 matières premières majeures, a progressé malgré plusieurs vents contraires, comme la vigueur du dollar et des rendements ainsi que le risque de guerres commerciales. Les gains ont été observés dans tous les secteurs sauf les céréales. Bien que ce ne soit pas complètement inattendu, compte tenu de l’incertitude mondiale, de voir l’or poursuivre son rallye de l’année dernière pour atteindre un sommet d’un mois, il est notable que parmi les meilleurs performeurs figurent trois autres métaux : l’argent, le cuivre et le platine, tous dépendant de la demande industrielle et des investisseurs.

Le pétrole brut, un marché qui devait lutter en 2025 face à une offre abondante et à la faiblesse de la Chine, a bondi dès le début de l’année. À l’autre extrémité du spectre, les produits agricoles ont fléchi face à un dollar plus fort, tandis que les prix du gaz de l’UE ont chuté, malgré un début de janvier froid et l’arrêt des approvisionnements russes via l’Ukraine le 31 décembre.

Une partie de ces comportements s’explique par les positions de fin d’année. Les traders à effet de levier avaient accumulé des positions longues sur le gaz de l’UE, anticipant des prix plus élevés après la plus grande réduction de stocks de novembre et décembre depuis 2017. Pendant ce temps, les positions sur les futures de cuivre et de platine sont passées à net short la dernière semaine de 2024. Le débouclage de ces transactions a soutenu les mouvements actuels du marché. Cependant, pour comprendre pleinement ces changements contre-intuitifs, notamment dans les métaux et l’énergie, d’autres thèmes de soutien ont émergé en début d’année, certains pointant vers un intérêt renouvelé pour les matières premières de la part d’investisseurs axés sur la macroéconomie et la technique.

Ainsi, bien que la prudence soit de mise lors de l’interprétation des tendances du marché au début d’une nouvelle année de trading, un thème notable a émergé : malgré les vents contraires de la vigueur du dollar et des rendements du Trésor, les investisseurs se tournent vers des actifs tangibles pour se protéger contre les risques d’inflation persistante, les préoccupations croissantes sur la dette publique et le risque que les tarifs bouleversent les dynamiques commerciales normales. Les raffineurs chinois et indiens s’approvisionneront davantage en pétrole au Moyen-Orient, en Afrique et dans les Amériques, augmentant les prix et les coûts de fret, alors que les nouvelles sanctions américaines sur les producteurs et navires russes limitent les approvisionnements aux principaux clients de Moscou.

L’année 2025 s’annonce donc comme une période de défis et d’opportunités pour les investisseurs mondiaux. Alors que les marchés naviguent dans un climat de volatilité un peu retrouvée, alimenté par des politiques économiques incertaines et des tensions géopolitiques, des secteurs clés comme l’intelligence artificielle, l’énergie et la santé offrent des perspectives de croissance prometteuses. Les investisseurs devront faire preuve de discernement pour tirer parti des tendances émergentes tout en se protégeant contre les risques macroéconomiques persistants. En fin de compte, la capacité à s’adapter et à anticiper les changements sera cruciale pour réussir dans cet environnement complexe.

Andréa Tueni
Head of Sales Trading & Relationship Management, Saxo Banque, 20/01/2025

Source des données chiffrées : Bloomberg