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Chassé-croisé nippo-américain

5 août 2024. Un maelström boursier s’empare des marchés mondiaux et tous les indices dévissent, menés par un Nikkei 225 en chute de 12,40 %. La peur s’empare de la finance mondiale, ce qui se concrétise par une hausse historique de 64,90 % du VIX (l’indice de la peur qui traduit la volatilité des marchés), et un plus haut historique atteint en séance. Le lendemain, le Nikkei s’envole, prend +10,23 %, et le reste du monde suit. Anatomie d’une chute… Et de son retournement.

Commençons par un point de contexte explicatif. En effet, cette situation tout du moins particulière, si ce n’est impressionnante, provient d’un élément clé déclencheur : la remontée des taux d’intérêt directeurs de la banque centrale japonaise, la BoJ. Décision qui pourrait paraître indolore pour les marchés occidentaux, si ce n’était pour l’interconnexion des marchés mondiaux qui permettent des stratégies d’investissement transverses : les carry trades. Le principe est simple : emprunter de l’argent à bas coût au Japon et le réinvestir dans des actifs plus rentables (obligations américaines ou néo-zélandaises par exemple). Cette stratégie était principalement concentrée sur les marchés japonais et américains, bénéficiant d’un yen sous-évalué par rapport au dollar – conséquence d’une politique monétaire japonaise pouvant être jugée comme laxiste afin de dynamiser leur marché intérieur – et surtout d’un taux de rendement anormalement élevé des obligations américaines (aux alentours des 5 % pour les obligations à 10 ans). Néanmoins, la BoJ relevant ses taux directeurs (ce qui a renforcé également le yen par rapport au dollar), et les rendements des obligations américaines chutant suite à des craintes de récession, cette stratégie maintes fois éprouvée ne devenait donc plus rentable.

Mélangeons alors le débouclage des positions de ces illustres carry trades avec des craintes de récession américaine suite aux chiffres du chômage, saupoudrons le tout d’une liquidité plus faible des marchés propre au mois d’août et voilà ! Nous obtenons un cocktail financier plus qu’explosif et surtout très volatil. Passé ce moment de frayeur sur les marchés, il reste que le point positif de la volatilité est que les mouvements amplifiés peuvent aller dans les deux sens, comme en témoigne le rebond presque immédiat du marché japonais.

Un mot également sur ces craintes de récession de l’économie américaine qui ont alimenté la forte volatilité des précédentes semaines : les investisseurs ont surestimé les chiffres publiés à propos du chômage, ce qui a incité les présidents des divers banques fédérales américaines à intervenir publiquement pour essayer de rassurer les marchés. Finalement, les chiffres les plus récents de la consommation ont rassuré les marchés dont la volatilité commence à se calmer. Tous les indicateurs sont donc au vert pour que la Fed abaisse ses taux directeurs de 25 bps en septembre.

Célian Laurent-Ricard
Société Générale Produits de Bourse, 19 août 2024

Source : Market Map, 19/08/2024.

STRIKE 259

CHIFFRES CLÉS

+6 %

C’est la surperformance des Granolas (GSK, Roche, ASML, Nestlé, Novartis, Novo Nordisk, L’Oréal, LVMH, Astrazeneca, SAP, Sanofi) par rapport aux M7 (NVIDIA, Meta, Alphabet, Microsoft, Amazon, Apple, Tesla) sur les 30 derniers jours.
Source : Market Map

4 %

C’est le seuil clé franchi à la baisse par le rendement des bons du Trésor américain à 10 ans (les fameux 10Y T-Bonds). Ces bons du Trésor étaient utilisés dans les fameux carry trades dont le débouclage début août a favorisé la volatilité des marchés.
Source : Market Map

47

C’est le nombre d’éditions du fameux symposium de Jackson Hole, rendez-vous moins connu du grand public mais central pour l’économie. Ce rassemblement des grands directeurs des banques centrales mondiales décrit la logique monétaire à venir pour la majorité des pays.
Source : Fed Kansas City