L’ANALYSE

Chine, fin de la schizophrénie ?

Je suis toujours surpris de constater que des investisseurs sont à la fois capables de se lamenter de la faible contribution de la Chine à la croissance mondiale et de se réjouir des mesures prises contre le dumping et l’essor technologique de Pékin. Car ces réalités sont les deux faces d’une même médaille. Pendant des décennies, l’économie chinoise a servi de base arrière pour les produits vendus en Occident. Une situation qui donnait satisfaction à tout le monde ou presque. Les économies matures bénéficiaient de produits à bas prix pour satisfaire leurs consommateurs, tandis que la Chine rattrapait rapidement son retard. Les premières frictions ont été réglées par des droits de douane, notamment en Europe sur des produits comme l’acier. L’arrivée de Donald Trump à la présidence américaine en 2017 a accentué la méfiance envers la Chine, entraînant une augmentation des barrières douanières sur une gamme de produits de plus en plus large. La pandémie de COVID-19 a ensuite mis en lumière la dépendance occidentale à la Chine pour des produits essentiels comme les équipements médicaux et les produits chimiques de santé.

Au cours des dix dernières années, les économies occidentales ont montré une certaine schizophrénie : elles construisaient des barrières contre les importations chinoises tout en déplorant le ralentissement de la croissance du pays… et en continuant à y sous-traiter massivement leur production. Cependant, les choses ont commencé à changer. Certaines productions ont été déplacées vers d’autres économies émergentes, un phénomène accentué par les goulets d’étranglement dans les chaînes logistiques causés par la pandémie. Les multinationales, touchées financièrement et incapables de répondre à la demande, ont compris la nécessité de diversifier leurs sources d’approvisionnement.

Ces vents contraires pour Pékin ont contribué à ralentir la croissance chinoise, expliquant en partie son redémarrage poussif, voire son absence de redémarrage. Mais ce n’est pas tout. Les États-Unis ont également lancé une offensive contre le développement technologique de la Chine. Pendant des années, les entreprises occidentales ont accepté des transferts massifs de connaissances pour entrer sur le marché chinois. Cette époque est révolue pour des raisons économiques et de sécurité nationale. Les premières banderilles ont pris la forme de l’interdiction des équipements de réseau chinois dans certains pays occidentaux dès la seconde moitié de la dernière décennie. Le combat s’est ensuite étendu aux semi-conducteurs. Washington fait désormais tout pour empêcher Pékin d’accéder aux technologies de pointe dans ce domaine, ce qui pénalise la reprise chinoise. De plus, des surtaxes énormes sont envisagées pour empêcher l’invasion de véhicules électriques chinois aux États-Unis et en Europe. Cette tendance ne devrait pas faiblir. Elle bouleverse l’ordre commercial mondial et a d’importantes conséquences géopolitiques, notamment pour Taïwan, où sont produites 90 % des puces vendues dans le monde. Il ne reste plus qu’à espérer que la Chine, si elle est acculée, n’administrera pas un traitement de choc à la schizophrénie occidentale.

Patrick Rejaunier
© 2024 zonebourse.com, 20 août 2024

Les données relatives aux performances passées ont trait à des périodes passées et ne sont pas un indicateur fiable des résultats futurs. ceci est valable également pour ce qui est des données historiques de marché.

PATRICK REJAUNIER

« Au cours des dix dernières années, les économies occidentales ont montré une certaine schizophrénie : elles construisaient des barrières contre les importations chinoises tout en déplorant le ralentissement de la croissance du pays… »

CHIFFRES CLÉS

Référence en date du 16/08/2024

+6 %

C’est la surperformance des Granolas (GSK, Roche, ASML, Nestlé, Novartis, Novo Nordisk, L’Oréal, LVMH, Astrazeneca, SAP, Sanofi) par rapport aux M7 (NVIDIA, Meta, Alphabet, Microsoft, Amazon, Apple, Tesla) sur les 30 derniers jours.

Source : Market Map

4 %

C’est le seuil clé franchi à la baisse par le rendement des bons du Trésor américain à 10 ans (les fameux 10Y T-Bonds). Ces bons du Trésor étaient utilisés dans les fameux carry trades dont le débouclage début août a favorisé la volatilité des marchés.

Source : Market Map

47

C’est le nombre d’éditions du fameux symposium de Jackson Hole, rendez-vous moins connu du grand public mais central pour l’économie. Ce rassemblement des grands directeurs des banques centrales mondiales décrit la logique monétaire à venir pour la majorité des pays.

Source : Fed Kansas City