L’ANALYSE
Du neuf avec du vieux
Je lance un défi aux bons connaisseurs du secteur automobile : à quoi ressembleront les parts de marché mondiales à l’horizon 2030 ? En regardant la capitalisation boursière des constructeurs en ce début d’année 2021, un profane conclurait presque à coup sûr que l’américain Tesla se taille la part du lion. Même si notre profane était un peu éclairé, par exemple en sachant qu’un constructeur haut-de-gamme est mieux valorisé qu’un constructeur grand public, croirait-il que Tesla ne contrôle que 0,8 % des ventes mondiales en pesant 680 Mds$ en bourse, plus que la somme des capitalisations de Toyota, Volkswagen, Daimler, General Electric, BMW et Stellantis ?
Probablement pas. Il pourrait aussi conclure que malgré ses innovations, l’avance acquise dans le véhicule électrique et la notoriété de la marque, Tesla est survalorisée. C’est un peu ce que le marché se dit depuis quelques semaines. Car l’entreprise californienne n’est plus seule au monde. Comme moi, vous avez probablement vu fleurir en 4 par 3 dans les rues les publicités pour les véhicules électriques de Volkswagen, Peugeot ou Hyundai. Ce n’est que le début. Les constructeurs traditionnels sont de retour dans la course et leurs cours de Bourse nous apprennent que le marché croit à leur succès.
Cela ne signifie pas que Tesla ne va pas continuer à prendre des parts de marché. Mais cela va s’avérer plus compliqué et je crois que l’on peut compter sur la concurrence pour faire en sorte que ce soit beaucoup plus compliqué. Et je ne parle même pas des nouveaux entrants, notamment des acteurs asiatiques, qui ont aussi leur carte à jouer, ni de l’incertitude liée à la répartition des modes de propulsion (thermique, électrique, hydrogène…).
Dans ce contexte, sera-t-il possible de maintenir de tels décalages de valorisations ? Encore une fois, probablement pas, en tout cas pas de cette ampleur. Reste à savoir si cela se fera par le biais d’une revalorisation du vieux monde automobile, d’une érosion du poids de Tesla ou d’une combinaison des deux. Au jeu des probabilités, il me semble plus opportun de miser sur le réveil des constructeurs historiques.
Je ne sais toujours pas à quoi ressemblera le marché automobile dans dix ans. Mais je sais que la décennie s’annonce passionnante pour un secteur qui se retrouve propulsé au cœur de l’innovation.
Patrick Rejaunier
© 2021 zonebourse.com, 18 mars 2021