L’ANALYSE
OR : Cap vers les 2000 USD ?
On le constate à chaque crise mondiale, les cours de l’or s’envolent et deviennent hyper-médiatisés grâce à son caractère défensif. Depuis plusieurs mois, avec la recrudescence du stress, les investisseurs ont dû réorienter leurs allocations vers des actifs robustes et l’or en est le symbole. Dans ce contexte, les ETF spécialisés constituent une option de diversification et de couverture attrayante, d’où la vigoureuse demande en or sur 2020. D’après le Conseil mondial de l’or (WGC), la forte propension à investir sur « l’or papier », a contraint ces fonds à acquérir de l’or physique 7 fois plus que d’ordinaire, soit environ 300 tonnes, un record. Les atouts du métal doré sont multiples. Tout d’abord, la dimension de son stock planétaire (50 ans de production annuelle) le protège de toute spéculation, en cas de distorsions de l’offre. En effet, pour les autres commodités et même pour le platine, très proche de l’or, les quantités disponibles se montent à quelques mois de production annuelle et toute élasticité de l’offre impacte directement les prix du spot, injectant de ce fait, au sous-jacent, une forte dose de volatilité. Du coté des banques centrales, la stratégie des taux bas alimente la pression acheteuse sur le marché aurifère car les interventions massives de liquidité plafonnent les rendements des actifs alternatifs sans risque. Comme le métal doré progresse avec l’inflation, absente de la réalité économique depuis plus de 30 ans, c’est donc au niveau des taux réels négatifs que les investisseurs trouvent leur inspiration pour investir sur l’or. Sur l’exercice 2020, les actions procurent des rendements en baisse voire inexistants pour une kyrielle de sociétés, les coupons attachés aux obligations restent proches de zéro quand ils ne sont pas en territoire négatif. Dans un tel contexte, l’incapacité de l’or de générer une rémunération disparaît au profit de ses qualités protectrices. La particularité technique du marché de l’or, pendant cette période exceptionnelle, se décèle à la lecture des cotations sur les futures (prix de l’or à terme). Les cours de certaines échéances se situent en dessous du spot. Théoriquement le future intègre non seulement le prix du métal au comptant mais un surcoût de stockage jusqu’à l’échéance concernée. Une situation appelée « backwardation » qui montre une défiance des titulaires d’or à se dessaisir de leur actif doré, en contrepartie de cash, car l’épargne ne produit qu’un rendement infinitésimal.
Dans le contexte actuel dominé par l’incertitude, les marchés financiers se trouvent pris entre deux sentiments antinomiques, celui suscité par la reprise des données macroéconomiques, modéré par les craintes d’une aggravation de la pandémie. Cette dichotomie pourrait soutenir la trajectoire haussière de l’or. Les symboliques 2 000 dollars constitueraient alors la cible parfaite.
Patrick Rejaunier
© 2020 zonebourse.com, 18 juin 2020