L’ANALYSE
Redécouverte(s)
Au moment où j’écris ces lignes, il manque encore quelques séances pour clôturer l’année boursière 2022. Pour éviter de m’être pris les pieds dans le tapis au moment où vous me lirez, je vais me focaliser sur quelques points qui ne devraient pas avoir été démentis dans l’intervalle.
Je puis par exemple vous dire qu’une bulle a éclaté en 2022, comme d’autres avaient éclaté avant elle. Cette bulle, c’est celle des actifs à risques qui ont surfé sur l’accès à l’argent gratuit. Un peu plus de 100 valeurs cotées sur le Nasdaq américain pesant plus de 5 milliards de dollars ont perdu 30 % ou plus cette année. C’est considérable. L’ETF Ark Innovation, de Cathie Wood, l’archétype du fonds à risque misant sur des valeurs de croissance, en est à -63 % en 2022 à l’heure où j’écris ces lignes.
J’en profite pour rappeler que pour remonter -63 %, il faut 170 % de hausse.
Un des autres enseignements de 2022, c’est qu’un conflit armé en Europe est possible au XXIe siècle. Certains appellent cela « le retour de l’Histoire ». En réalité, l’Histoire n’est jamais loin. Mais nous avons chroniquement la mémoire courte et notre niveau de complaisance a tendance à croître avec le temps. Le réveil n’en est que plus brutal.
J’en profite pour rappeler qu’en investissement, il faut régulièrement apprécier son risque et s’intéresser à ce qui se passe au-delà du bruit ambiant.
Troisième point. Les repères changent considérablement dans un monde inflationniste. Depuis 1996, la hausse annuelle des prix à la consommation n’avait plus dépassé 4 % en Europe (2008 excepté). Même les injections massives de liquidités par les banques centrales pour régler les maux du monde ne semblaient plus génératrices d’inflation. La vigilance monétaire s’est relâchée. Et les prix ont flambé. On ignore à ce stade si le phénomène durera ou pas. Mais les banques centrales ont, elles-aussi, été coupables de complaisance.
J’en profite pour rappeler les mots les plus dangereux de la finance, selon Sir Templeton : « cette fois, c’est différent ».
Je pourrais continuer cette liste. Je la stoppe ici, faute de place. Mais je crois qu’il faut surtout retenir que les trois années qui viennent de s’écouler nous ont permis de redécouvrir que nous vivons dans un monde complexe. Les progrès technologiques considérables qui ont façonné notre société ces dernières années n’ont pas fait disparaître nos vieux démons. Ils se matérialisent juste différemment.
Patrick Rejaunier
© 2022 zonebourse.com, 19 décembre 2022