L’ANALYSE
Une pénurie chasse l’autre
L’économie n’est pas une science exacte. Je pense que personne ne remettra en cause cette affirmation. Il existe des schémas théoriques bien sûr. Et des comportements dominants. Mais rien ne ressemble moins à une période économique qu’une autre période économique. En prenant de la hauteur, une crise reste une crise et une expansion reste une expansion. Dans le détail, les causes, les conséquences, les acteurs sont multiples. Très franchement, qui aurait pensé que les marchés financiers allaient se redresser aussi vite l’année dernière ? Et qui aurait pensé qu’une part importante d’entreprises, hors secteurs encore concernés par les fermetures prudentielles, afficherait des résultats aussi favorables ?
Des surprises, il y en a encore eu depuis le début de l’année. Pas sur le vaste consensus au sujet de la reprise économique vigoureuse et générale : le monde redécolle après une année 2020 atypique. Par contre, rares étaient les économistes à avoir anticipé la proportion des pénuries qui émergent un peu partout sur la planète. Et je ne parle pas de masques et de tests dont nous disposons maintenant à foison. Les nouvelles pénuries concernent les semi-conducteurs, un secteur très médiatisé car il a mis à l’arrêt les chaînes de production automobile au moment où le secteur entrevoyait le bout du tunnel. Mais elles portent aussi sur des produits bien plus basiques. Autour de chez moi, autour de chez vous, des chantiers sont à l’arrêt parce qu’une entreprise du BTP ne trouve plus de bois lamellé-collé ou qu’une autre n’a plus de fers à béton ni de treillis.
Conséquence, les prix montent et les professionnels se désolent déjà de voir enfler leurs coûts, en plus de prendre du retard dans leurs projets. Du bois de charpente au cuivre en passant par toute une ribambelle d’autres matériaux de base, les cours explosent et contribuent à entretenir l’ambiance inflationniste. Cela nourrit aussi la controverse entre ceux qui pensent que ce pic d’inflation est temporaire (scénario des banques centrales) et leurs opposants qui voient les prix accélérer durablement, mettant à risque les stratégies monétaires actuelles.
Les investisseurs ont l’air d’avoir déjà tranché ce débat : les plus gros afflux d’argent frais depuis le début de l’année sont allés vers les obligations protégées contre l’inflation et les valeurs financières.
Patrick Rejaunier
© 2021 zonebourse.com, 18 mai 2021